31 décembre

Chiharu, 35 ans, photographe
Terminer le projet avec une photographe, pas mal ! Chiharu est la dernière personne prise en photo en 2012 ! Elle sortait de la banque pour retirer de l’argent car tout est fermé pendant 2 ou 3 jours et il vaut mieux avoir du liquide sur soi… Si Chiharu vient de Tokushima, cette année elle ne rentrait pas pour le Nouvel an. Pas vraiment envie. Plutôt, elle le passerait avec des amis chez une amie chez qui elle partirait bientôt. Chiharu m’annonça son métier un peu plus tard dans la discussion ce qui me surprit. Elle couvrait plutôt des événements et prenait donc des gens en photo. Là, elle se préparait pour la cérémonie de l’âge adulte le 14 janvier prochain. Il m’a fallu la poursuivre un peu avant qu’elle accepte. Elle portait un masque pour se protéger du froid si bien que je n’ai découvert son visage qu’au moment de faire son portrait.

Cedric Riveau

30 décembre

Nanae et Yoko, 24 ans, prothésiste dentaire et crèche
Elles sortaient de la station d’Oshiage pour pourvoir admirer Tokyo Skytree. Je me trouvais là au moment où elles se sont retournées pour découvrir la moitié de la tour cachée par les nuages. Un ciel particulièrement bas avec une légère pluie. En riant de cette malchance, elles pestaient contre la météo qui ruinait la vue alors qu’elles repartaient le jour même. Nanae et Yoko viennent d’Osaka et se trouvaient à Tokyo pour deux jours. La veille, elles étaient allées à Disneyland et ce jour-là elles se promenaient dans Tokyo. Avec un grand sourire, elles ont tout de suite accepté la photo, avec la simplicité et la chaleur des gens du Kansai. C’était la première fois qu’elles venaient voir la tour et elles ont ri quand je leur ai expliqué que moi aussi. En tout cas de si près. Quand je leur ai dit que je connaissais Osaka, elles m’ont posé plein de questions pour savoir où j’étais allé.

Cedric Riveau

29 décembre

Sasaki san, 63 ans, retraité
Sasaki san est sorti de cette petite rue pour traverser la rue commerçante de Tsukishima. Sauf qu’il est tombé sur moi et je l’ai arrêté en plein élan. Il allait au magasin de tabac juste en face pour s’acheter des cigarettes. Je lui ai demandé de revenir sur ses pas et de se mettre dans une de ses petites allées qui déboulent sur la fameuse rue commerçante. La sienne. Il a accepté en souriant. Devant l’objectif, il s’est raidi par habitude et je me suis moqué de lui. Il m’a gratifié de ce sourire qui venait directement du cœur. L’homme est originaire de Kyushu (encore un !) et il habite à Tsukishima depuis 7 ans seulement. Auparavant, il était avocat et il a pris sa retraite il y a peu. À sa tenue, il était facile de deviner qu’il sortait de chez lui et y retournerait tout de suite après.

Cedric Riveau

28 décembre

Setsuko, 68 ans, café
Je ne serais jamais entré dans ce café si ce n’avait été avec mon modèle précédent. Ce dernier me proposa d’aller prendre un café ensemble dans ce quartier de Nakano Shinbashi et comme je suis resté un peu pour prendre des notes de notre rencontre, Setsuko s’est mis à me parler, intriguée par ce grand étranger qui se trouvait chez elle et qui parlait japonais. Un client fidèle s’est joint à nous. La discussion est partie à trois et nous avons parlé de tout et de rien. Setsuko tient ce café depuis 16 ans. Elle est très gentille et accueillante. La décoration un peu vieillotte ne devait pas avoir changé depuis l’ouverture. Au milieu de la salle, en haut d’une colonne et sous une vitrine faite pour elle se trouvait une porcelaine Lladro typique, un objet certainement très cher à Setsuko. Avec le client, ils me parlèrent aussi d’une école de sumo où je devais absolument me rendre pour y faire des photos. Comme elle n’avait pas de carte de visite ou de son café, elle m’a noté son nom sur un bout de papier qu’elle utilise pour prendre des notes en m’expliquant chaque caractère chinois qui le compose. Comme elle ne voulait pas annoncer son âge devant tout le monde, elle l’a aussi noté sur cette même feuille.

Cedric Riveau

27 décembre

Yoshio, 41 ans, nettoyage
Il a fallu négocier. Ce fut difficile. Mais quand j’ai vu Yoshio sur son tricycle avec tout son matériel de nettoyage dans son panier de devant, je ne voulais pas le lâcher facilement. J’ai insisté et cela a fonctionné. Le plus amusant fut qu’il était particulièrement honoré, touché et ému d’avoir été pris en photo. Pour la première fois, il avait l’impression que quelqu’un faisait attention à lui et au moment de partir, il me remercia au moins dix fois en criant dans la rue jusqu’à ce que je disparaisse de son champs de vision. Cela était aussi dû à sa condition : nettoyeur de toilettes publiques dans le quartier de Taito-ku, à Yanaka. Déjà, quand je lui ai fait faire un « Tope-là » pour lui signifier que nous avions le même âge, il n’en revenait pas. Yoshio est né dans le quartier, y habite depuis toujours et y travaille donc aussi. Il se déplace toujours en vélo et comme il y est tous les jours, il m’a demandé de le chercher la prochaine fois que je viendrai. Un homme adorable.

Cedric Riveau

26 décembre

Katsuhisa, 45 ans, comptabilité
Katsuhisa allait à la banque. Il avait bien une petite minute à me consacrer pour faire son portrait. Quand il apprit que j’étais français, il avait tout de suite un peu plus de temps. Katsuhisa aime beaucoup la France et y est allé de nombreuses fois. Au moment de nous séparer, il m’a lancé un « Merci » discret en me tendant la main. Très gentiment. Le personnage se distinguait des autres passants de cette rue commerçante de Kita Senju. Il faisait un froid glacial accompagné d’un vent qui pénétrait jusqu’aux os mais le blouson ouvert avec une simple chemise, Katsuhisa avait l’air de ne rien sentir. Il vient du quartier et y habite toujours. Il me désigna un immeuble assez haut derrière moi pour m’indiquer son appartement. Il parlait aussi un peu anglais et s’y essayait dès qu’il pouvait. Il est repartit en boitant vers sa destination.

Cedric Riveau

25 décembre

Daiba, cette île complètement artificielle qui a un côté parc d’attractions, qui est un autel géant pour révérer le dieu de la consommation est décidément un endroit… bizarre. Pour ce jour de Noël, je me disais que c’était un endroit parfait pour y prendre des couples, ces 24 heures de Noël étant un moment plutôt pour eux, comme la Saint Valentin. Daiba est un endroit récent qui n’a pas d’âme aussi n’a-t-il point de faune caractéristique comme dans les autres grands quartiers commerçants de Tokyo. J’ai donc choisi deux photos de deux couples complètement opposés. Le premier qu’on pourrait trouver à Shibuya et le second qu’on pourrait trouver à Harajuku.

Hisashi et Ai, 27 et 33 ans, coiffeur et accueil
Hisashi fumait une cigarette et Ai attendait un peu plus loin, devant la vitrine d’un magasin. Elle attendait qu’il finisse. Il m’ont accueilli sans retenue, très naturellement et nous nous sommes mis tout de suite à plaisanter, même à déconner. Hisashi se moquait d’Ai et inversement. L’ambiance était excellente et ils s’entendaient très bien. Ils allaient voir le film Z One Piece qui a beaucoup de succès en ce moment, à l’image du manga. Quand Ai m’a donné son âge, j’étais surpris de la savoir avec un homme plus jeune et par politesse, je lui ai dit qu’elle ne les faisait pas. Hisashi est passé à l’attaque pour me dire que c’était parce qu’elle portait une tonne de maquillage. Juste avant, Ai se donnait toutes les nationalités possibles en Asie sans me convaincre. Elle n’avait pas une forme typiquement japonaise effectivement mais cela ne faisait aucun doute pour moi. Elle me dit qu’on la prenait souvent pour une Philippine. Elle a pu se moquer à son tour de Hisashi lorsqu’il m’a dit qu’il venait d’Ibaraki, la campagne prolo de Tokyo. Ceci-dit, quand je leur ai dit que je connaissais, que j’y étais allé, ils en étaient bouche bée. Ai, elle vient de Tokyo.
Cedric Riveau

Shion et Miku, 18 et 22 ans, lycéen et chanteuse
Encore un couple où la femme était plus âgée. Sur tous les portraits que j’ai fait (12 au total), c’était les deux seuls cas. Ils étaient en pleine forme et très dynamiques. La rencontre les a encore plus excité qu’ils ne l’étaient déjà. Ils fumaient dans le coin d’un espace fumeurs avant de déjeuner. Ils venaient d’arriver à Daiba vers 15 heures. Après, ils se promèneraient sans but précis avec peut-être un passage à Legoland. Comme ils venaient aussi de Saitama, ils m’ont confirmé que beaucoup de gens de ce département au nord de Tokyo venaient à Daiba pour sortir. Pourquoi restera un mystère. Ils font tous les deux de la musique. Shion à la guitare fait du hard rock. Miku elle chante dans un groupe qui s’appelle Amélie suite à une passion pour le film de Jeunet. Elle a sorti son iPhone pour me faire écouter un morceau assez doux. J’ai pu profiter de sa voix que j’ai trouvé pas mal du tout. Son rêve est de devenir professionnelle, de vivre de son art.
Cedric Riveau

24 décembre

Ejima san, 86 ans, recyclage
Ejima san allait à un rendez-vous. Vite, vite ! il ne fallait pas que cela dure trop longtemps. C’était bien dommage car lorsqu’il m’a fait don de ce magnifique sourire une fois que j’avais mon appareil photo devant l’œil, j’eus aimé discuter davantage avec lui. Discret, il n’a pas voulu me dire de quel type de rendez-vous il s’agissait. L’avenue dans laquelle je l’ai croisé dans ce quartier de Waseda était baignée de lumière aussi l’ai-je mis dans une petite rue perpendiculaire. Seulement celle-ci était inondé par le reflet d’un immeuble sur la droite. Du coup, il m’a fallu le déplacer à plusieurs reprises. Gentiment, il s’est exécuté sans rien dire mais cela a forcément raccourci le moment des explications sur lui. Ce très gentil monsieur vient de Kyushu et je me suis dit que j’avais pris vraiment beaucoup de gens de cette région et qu’ils étaient décidément charmants. Ejima san travaille toujours et il n’est pas question pour lui de prendre sa retraite. Il s’occupe de recycler des produits ménagers qui ne fonctionnent plus.

Cedric Riveau

23 décembre

Hisami, 28 ans, téléopératrice
Hisami n’était à Tokyo que pour deux jours. Elle habite à Hyogo mais suit un stage dans la capitale deux fois par semaine. Un budget déplacement assez lourd à gérer. Pour le moment, elle s’occupe d’entrer des données dans un ordinateur. Cela ne la passionne pas vraiment. Ce qu’elle veut faire, c’est du doublage pour des animés, des séries télé… aussi suit-elle ce stage. Elle affirme n’en être qu’au début et qu’un long parcours l’attend. Au moment où je l’ai croisée, elle se rendait justement au stage et rentrait le soir même, raison pour laquelle elle était plutôt chargée. Piteusement, elle m’avoua qu’elle avait appris le français à l’université, qu’elle avait même un diplôme pour l’enseigner mais quand je me mis à lui parler dans ma langue, elle cacha son visage dans ses mains pour me dire qu’elle avait tout oublié. J’ai tout de même insisté un peu mais rien à faire. Dans cette avenue du quartier d’Ushigome, on ne voyait qu’elle avec sa tenue originale.

Cedric Riveau

22 décembre

Haruko, 22 ans étudiante
Il avait plu toute la matinée. Au moment où j’ai rencontré Haruko, ça s’est arrêté et les nuages se sont écartés. La lumière revenait et Haruko avait accepté de poser pour moi. Elle rentrait chez elle et allait prendre le métro à Akebonobashi. Elle sortait de l’hôpital des femmes où elle avait consulté un médecin, le matin même. Ça nous faisait un gros point en commun. Elle m’assura qu’elle n’avait rien de grave. Haruko étudie la littérature anglaise et parle un tout petit peu. Nous en sommes restés au japonais. Elle sera diplômée en avril prochain et souhaite passer des tests de langue anglaise avant de commencer à travailler. Pour le moment, elle réfléchit encore. Son université est à Odaiba ce qui m’étonna. J’ignorai que cette île toute artificielle comptait une fac.

Cedric Riveau

21 décembre

Hashimoto san, 84 ans, retraité
– Tu veux me prendre en photo ? Moi ? Ici ? Mais pourquoi ?!
Hashimoto san riait et son ahurissement me faisait rire. Comment pouvais-je avoir envie de prendre un tel papy, habillé ainsi dans un endroit aussi peu intéressant ? J’eus aimé discuté un peu plus avec lui car il avait l’air amusant, gai et dynamique. Il rentrait chez lui et apparemment, on l’attendait. Il habite à Tokyo, à Okubo depuis des années et des années. Il est originaire de Kyushu, Oita mais est arrivé dans la capitale à l’âge de trois ans. Il est maintenant à la retraite. Il a travaillé dans la construction pendant toute sa vie.

Cedric Riveau

20 décembre

Kojima san, 51 ans, bento
Equipé de deux chauffages électriques, un pour lui et un pour les clients, Kojima san avait installé son étale de bento dans cette entrée d’immeuble de bureaux qu’il loue de temps en temps. Les clients défilaient et j’ai réussi à faire son portrait entre deux vagues de mamies qui allait voir une pièce de kabuki à 11 heures. Pièce que j’allais voir aussi. En bon commerçant, Kojima san est très accueillant, très serviable et souriant. Les mamies faisaient tomber des tickets de métro, des pièces à plusieurs reprises et il se précipitait en faisant le tour de sa petite table pour ramasser le tout. Voilà plus de trente ans qu’il fait et vend des bento, toujours à Shinbashi ou Ginza, à différents endroits. Il s’installe vers 10h et il arrête vers 16h. Ses clients sont soit des spectateurs s’il est à côté du théâtre kabuki de Shinbashi, soit des salariés des entreprises aux alentours. Il est originaire de Tokyo.

Cedric Riveau

19 décembre

Ayaka, 21, assistante coiffeuse
Dans cette rue commerçante de Shibuya, un vent glacial soufflait dans les cheveux d’Ayaka et cela ne m’empêchait pas de rire à gorge déployée, amusée par la rencontre, amusée par mon japonais très naturel. La jeune femme vivante et joyeuse n’est encore qu’assistante d’un salon de coiffure. Son travail consiste principalement à observer le responsable, faire des shampooing, distribuer des brochures du salon ce qu’elle faisait au moment où je l’ai rencontrée. Il lui faudra encore quelques années avant de pouvoir couper des cheveux. Ayaka dit qu’elle avait froid mais ne semblait pas du tout en souffrir. J’ai d’abord cru qu’elle retournait au salon qui n’était pas loin mais une collègue plus âgée est arrivée et elle sont reparties ensemble dans la direction opposée. Cette dernière est venue la tête sur le côté voir ce qui se passait. Ayaka vient de Gunma. Encore une rencontre qui m’a donné de l’énergie et qui me donne le sourire rien qu’en regardant son portrait.

Cedric Riveau

18 décembre

Shimoshima san, 83 ans, retraité
Avec sa petite écharpe verte qui faisait penser à une serviette, j’ai vu arriver Shimoshima san du bout de cette rue commerçante de Tabata tranquillement, à son rythme et je suis allé à sa rencontre. Il a accepté aussitôt de faire la photo mais il ne fallait pas que ça prenne trop de temps non plus. Il rentrait chez lui. Shimoshima san a travaillé toute sa vie dans la même entreprise et a pris une retraite bien méritée à 65 ans. Il est en pleine forme. Il est né dans la préfecture de Nagano mais il a passé bien plus de temps à Tokyo que dans sa région natale. J’étais tout fier de pouvoir écrire son nom en caractères chinois, ce qui lui a fait très plaisir.

Cedric Riveau

17 décembre

Michiru, 46 ans, bijouterie
Michiru n’avait pas beaucoup de temps. Pas assez de temps. Elle et moi le regrettâmes profondément. Elle parce que j’étais français et moi parce que j’aurais adoré raconter une histoire sur elle et la mettre dans le livre. C’était ainsi. Michiru se rendait à sa boutique à Ginza. Elle allait prendre le train à la station de Mejiro et filait dans la rue d’un petit pas de kimono. Si elle avait eu le temps, elle aurait enlevé le vêtement imperméable pour me montrer son kimono. C’était ainsi. À la simple évocation de ma nationalité, Michiru partit dans un monologue – en français s’il vous plaît ! – pour me raconter sa passion pour mon pays, pour sa langue. Elle y était allée plusieurs fois et en revenait en novembre. Auparavant, elle avait accueilli une amie française chez elle pendant six mois. Michiru était contente de pratiquer la langue de Molière et cela faisait plaisir à voir. Elle est née à Mejiro et y habite depuis toujours. Juste avant de partir – il fallait vraiment qu’elle parte – je lui ai donné ma carte car dans un cri du cœur, elle m’a dit : « Je voudrais avoir cette photo ! » Elle est repartie comme je l’ai vu arriver dans cette petite rue, en trottant.

Cedric Riveau

16 décembre

Shinrei san et Fendi, 68 et 3 ans, commerce
Shinrei san n’a pas été surpris un seul instant que je lui demande une photo. Il avait l’habitude et cela en raison de son chien. Ce grand caniche était souvent pris en photo, passait même à la télévision dans des publicités. A la différence de tous les gens qui lui demandaient, je souhaitais mettre Shinrei san dans le cadre. Il en fut très content. Quand il faisait beau, lui et son chien venaient toujours se promener à Ginza le dimanche. Il avait fait particulièrement doux ce jour-là et la balade fut très agréable apparemment. Ils retournaient vers la voiture pour rentrer à Chiba où ils habitent. Fendi était impeccablement entretenu car c’était un véritable plaisir de le caresser.

Cedric Riveau

15 décembre

Yukiko, 74 ans, retraitée
Yukiko était speed. Elle n’avait pas beaucoup de temps. « Bon d’accord pour une minute mais pas plus hein ! » Elle m’expliqua qu’elle devait aller dans le centre jusqu’à côté de nous pour une cotisation dont je n’ai pas compris le but. Il m’a fallu la complimenter sur sa tenue, son écharpe, la jolie couleur de sa veste pour parvenir à la charmer et la faire plier pour une ou deux photos. Le pire est qu’elle était contente. Elle vient de Tokyo. Auparavant, elle travaillait dans une banque et est désormais à la retraite.

Cedric Riveau

14 décembre

Noriko, 22 ans, étudiante
En cette période, Noriko suit des séminaires tous les jours afin de trouver une entreprise qui pourrait l’intéresser, afin de prendre des rendez-vous pour passer des entretiens et finir par trouver un travail à sa sortie de l’université. Elle en avait un peu marre même s’il fallait lui tirer les vers du nez pour savoir ce qu’elle pensait. Je ne fus jamais très sûr. Une chose était certaine : elle avait froid avec le costume de rigueur pour cette recherche. Noriko était en troisième année d’économie à Rikkyo. Elle n’avait pour le moment aucune idée de ce qu’elle voulait faire plus tard, quel domaine elle souhaitait intégrer. Elle est originaire d’Aichi et se trouve à Tokyo depuis son entrée à l’université. Elle vit donc seule et là encore, je ne pus savoir si cela lui plaisait ou pas. Je l’ai croisée en plein milieu du cimetière de Zoshigaya, chemin qu’elle utilise tous les jours pour se rendre sur le campus à pied.

Cedric Riveau

13 décembre

Honda san, la cinquantaine, miso
Blottie contre un de ses fûts de miso, assise sur une chaise, Honda san avait froid. Très froid. Aucune vitrine, juste une immense ouverture de la largeur du bâtiment. Elle était en contact direct avec les clients mais aussi avec la météo. Dans cette petite rue commerçante d’Ekoda, son père avait fondé le magasin il y avait plus de 70 ans. Chaque année, elle travaille jusqu’au 31 décembre. Le magasin sera ensuite fermé du 1er au 5 janvier. Honda san est donc quasiment née dans la boutique et est une experte de cette sauce que j’aime beaucoup. Vu mon intérêt, elle me parla d’une recette très simple : faire mariner un morceau de poulet dans du miso pendant une journée, la rincer avec du mirin et ensuite la faire cuire directement dans la poëlle, sans matière grasse. Très simple mais certainement délicieux.
(J’ai découvert ce quartier d’Ekoda, à l’ouest d’Ikebukuro et la rue commerçante avec plein de vieux magasins vaut vraiment le coup ! Il y avait même une équipe de télévision qui faisait les boutiques les unes après les autres.)

Cedric Riveau

12 décembre

Hajime, 48 ans, livreur
Hajime attendait dans le froid son collègue, celui qui viendrait le chercher avec le camion pour faire les livraisons du jour. Il travaille pour un des plus grandes entreprises de livraison japonaise et j’étais content – d’une certaine façon – de pouvoir prendre en photo un de ces employés qui sont toujours en train de courir dans les rues de Tokyo. Tous ceux à qui j’avais demandé avait refusé par manque de temps. Hajime avait bien son uniforme sous sa veste mais il avait trop froid pour l’enlever pour la photo. Notre discussion lui fit au moins un peu oublier la température. Hajime vient de Fukushima mais pas d’un village balayé par le tsunami du 11 mars 2011. Il se trouvait loin de Tokyo ce jour-là et ressentit donc moins la secousse que les gens de sa région ou de Tokyo. La maison de ses parents avaient « seulement » souffert de quelques objets cassés. Le 16 décembre, il irait voter pour les élections à la chambre basse.

Cedric Riveau