Kenichi, 38 ans, publication
Appuyé contre le mur en torchis de cette vieille maison, Kenichi fumait une cigarette. Il m’a fallu négocier pour avoir son portrait car il ne voulait pas au départ. Il n’arrêtait pas de déconner et faisait le malin pour me faire lâcher prise. Cela n’est pas arrivé. Il avait fini de déjeuner mais n’avait pas envie de retourner au bureau. De plus, il n’était pas du tout habillé pour un poste derrière un bureau. Alors que je remarquais son sac, il me dit que c’était Paul Smith. Nous avions trouvé un gros point en commun. Quand je suis parti, il a décidé de retourner à l’endroit exact où je l’ai trouvé pour fumer une nouvelle cigarette, pour reculer au maximum l’heure de retour au travail.

Ichi, 1 an
En sortant de chez moi, je suis tombé sur un attroupement de mamans, de leurs enfants et d’animateurs/puériculteurs devant le supermarché. Ils étaient venus chercher des choses et se préparaient pour retourner à la crèche. Le tout petit Ichi – très timide – me regardait aussi ai-je demandé à sa maman si je pouvais le prendre en photo. Il fut impossible de faire son portrait sans elle. Le petit père était très impressionné par ce grand occidental tout sec qui avait sorti son appareil photo. Après plusieurs essais, j’ai réussi à obtenir une photo où il me regardait.

Meiko, 78 ans, retraitée
Cette adorable mamie haute comme trois pommes rentrait tranquillement chez elle. Elle avait acheté du poisson frais, du pain pour son déjeuner. Il ne fallait donc pas trop traîner, que le poisson ne se réchauffe pas trop. Sa première réaction a été de me demander pourquoi je voulais la prendre en photo. Je l’ai trouvée très mignonne et je souhaitais faire son portrait. Elle avait été professeur des écoles pendant toute sa vie. Meiko est née dans le quartier de Setagaya mais vit à Kagurazaka depuis bien longtemps. J’étais très heureux qu’elle accepte.

Shiori, 62 ans, éditrice indépendante
Shirori se rendait à son bureau à Jimbocho. Elle sortait de chez elle et allait chercher les transports en commun à Takadanobaba. Elle était ravie de poser pour moi, ravie que je lui demande, qu’elle puisse encore faire l’objet d’une photo. Cette femme très chic est née à Meguro et habite désormais à Takadanobaba. Elle a toujours été indépendante et a publié plusieurs livres au Japon. Elle était adorable et un petit peu timide devant l’objectif.

Mina, 21 ans, étudiante
Mina attendait Daniel devant l’entrée de la pharmacie. Daniel qui n’a pas tardé à sortir avec une boisson pour l’estomac. Il se tenait le ventre et semblait aller mal. Pourtant, ce jeune homme né au Japon de parents coréens était un gros rigolo qui n’arrêtait pas de raconter des cracks pour faire rire son auditoire. Mina l’avait rencontré le jour même, le matin même via Internet. Ils ne se connaissaient pas avant. Elle étudie l’histoire et la littérature japonaise à l’université de Waseda et est née à Tokyo.

Izawa san, 70, sdf
Izawa san longeait les murs de l’avenue Sotobori à la recherche de quelque chose qui traînait mais aussi d’une place pour s’asseoir. Il regardait donc toujours sur le côté et rarement devant lui. Il poussait sa maison sur ce chariot de chargement et se rendait au parc de Shinjuku qui était à trois kilomètres. Il était venu dans le coin d’Iidabashi pour récupérer des objets à recycler qui lui servait de salaire puis des choses à manger d’un restaurant qu’il connaissait. J’avais un peu de mal à comprendre ce qu’il me disait car il parlait dans sa barbe et avait un accent très fort que je n’ai pas reconnu. Au début, il était très sérieux et j’ai réussi à lui faire sortir ce superbe sourire.

Ayant un peu plus de temps aujourd’hui, j’ai fait bon nombre de portraits dans les rues de Harajuku… en voici deux.

Takuya, 34 ans, vêtements
Je n’avais même pas besoin de lui demander dans quoi il travaillait que je le savais déjà. Sauf qu’il s’agit d’une boîte qui fait de la vente en ligne uniquement. Il était en reconnaissance à Harajuku pour dénicher des choses intéressantes et entretenir les collaborations avec les magasins. Takuya est très sympa et joyeux. Il habite à Chiba où se trouve son bureau mais il vient de Kanagawa, à l’autre bout. Il passe son temps entre Harajuku et Shibuya. De temps en temps, il va à Shimokitazawa qu’il aime beaucoup.

Reiko, 31 ans, photographe
Son béret rose et son vieux boitier à négatif m’ont tapé dans l’œil. Reiko a tout de suite accepté avec un grand sourire. Normalement, c’est elle qui interpelle les gens dans la rue pour leur demander de poser. Comme moi. Mais nos photo n’ont rien à voir. Elle, elle fait de la photo de studio, très posée. Elle m’a sorti son book pour que je vois son travail. Comme c’est assez difficile, elle bosse le soir dans un restaurant de brochettes. Elle a travaillé pour une galerie de photo où elle a appris beaucoup de choses et rêve de passer professionnelle. Elle travaille avec une pellicule mythique : Tri-X. J’étais abasourdi et ravi en même temps de savoir qu’on en trouvait encore… pour combien de temps ?

Shigeki et Yuki, 18 et 19 ans, étudiants
Ils criaient et s’amusaient dans la rue. Ils se dirigeaient (vraiment) très tranquillement vers leur école de commerce à Ikebukuro. Au départ, Shigeki ne voulait pas. Pas question ! « Je déteste les photos ! » Je lui ai montré plein de couples que j’avais déjà pris en photo et il a bien aimé. Sous la pression de Yuki et de la mienne, nous avons réussi à le faire poser. Sans doute, à chaque fois, il devait avoir son sourire crispé ou ses yeux trop petits. Véritable défi, il me fallait lui donner une pause et un sourire détendus. J’y suis parvenu pour le sourire ! Pour Yuki, rien à faire. La miss, très jolie, a largement l’habitude de l’exercice. Nous nous sommes assez bien entendus. Shigeki vient de Saitama et Yuki de Tokyo.

Yuri, 26 ans, freeter
Ce fut une rencontre un peu étrange. Le nez dans son iPhone, elle levait par moment les yeux en l’air comme si elle cherchait son chemin. Or, quand je lui ai demandé, elle m’a dit que non, qu’elle allait à Shinjuku pour déjeuner avec une amie. Cette petite rue qui montait ne menait en aucune façon à une quelconque station de métro ou de train qui permettrait d’aller à Shinjuku… Pour son boulot, il me fallu lui tirer les vers du nez pour découvrir qu’elle n’avait aucun emploi stable, qu’elle travaillait dans la restauration mais je ne pus savoir comment elle vivait exactement. De même, quand je lui ai demandé où elle était née, la réponse fut longue à venir et par souci d’en finir, me dit « Tokyo » de manière un peu vague. Si je lui avais demandé où exactement, elle aurait été encore plus embêtée d’avoir à imaginer un endroit. A sa façon de poser, je compris tout de suite qu’elle avait déjà posé en studio ou pour des magazines, ce qu’elle confirma même si cela n’avait pas été très important.

Ryota, 68 ans, consulting
Ce joyeux monsieur d’Osaka faisait une promenade après son déjeuner. Trente minutes plus tôt, un déluge s’était abattu sur Tokyo, un pluie violente renforcée par un vent déchaîné avait inondé les rues. Par chance, il était encore au restaurant. Un timing parfait. Il allait retourner au bureau un peu plus tard. Il travaille a mi-temps et voyage le reste du temps. Il adore l’Europe et plus particulièrement la France et l’Italie dont il était content de me parler. Il est déjà allé plusieurs fois à Paris et à Venise, seul ou avec sa femme. Au moment de nous quitter, il m’a dit un « Have a nice day » absolument adorable.

Katsuhiko, 79 ans, retraité
Il se promenait. Tranquillement, les mains dans le dos – comme sur la photo -, il allait faire un tour pour bouger, pour ne pas rester chez lui. J’avais en face de moi un Tokyoïte né à Sumida, juste à côté de l’emplacement de Sky tree. Il a déménagé à Toyama – ou nous étions – juste après la guerre, quand il est revenu à Tokyo qu’il avait fui en raison des bombardements. Katsuhiko fut professeur de lycée. Il posait très bien et sans aucune instruction.

Yuya et Takashi, 28 et 24 ans, restauration
De gros déconneurs. Ca valsait à tout bout de champ. Je rigolais tellement que je n’arrivais pas à prendre des notes sur ce qu’il me disait. Il fallait aussi trier le vrai du faux, un exercice pas évident. Ils s’étaient cassé le nez sur un restaurant vietnamien qui venait de m’être recommandé. Les deux jeunes femmes que j’avais prises en photo juste avant me l’avait conseillé et le fait que Yuya et Takashi soient comme moi devant la porte m’amusa. L’endroit n’ouvrait qu’à 16h et il était 15h. Ils travaillent tous les deux à Shimokitazawa, pas très loin de là où nous étions. Yuya vient de Kumamoto et Takashi de Yamagata. Ils allaient donc déjeuner avant de se préparer à travailler pour le service du soir.

Nagisa, Kana et Reiko, 26 ans, employées
Quand je les ai vues de loin, d’abord de dos, accolées les unes aux autres, j’ai foncé ! Ces trois demoiselles d’honneur vêtues exactement de la même façon, avec cette robe vert pâle, des fleurs dans les cheveux au milieu d’un jardin étaient des conditions parfaites pour une photo ! Le mariage se terminait. Derrière moi, les mariés saluaient les invités qui partaient et les demoiselles d’honneur distribuaient des sacs de fleurs. J’ai réussi à prendre deux clichés entre deux distributions. Le timing était bon mais pas évident. Les mariés – je n’ai fait que les apercevoir – étaient un couple international : lui Néo-Zélandais et elle Japonaise.

Naoko et Rio, 33 et 1 ans, mère au foyer
Ils étaient tous les deux en train de faire un pique-nique, au soleil. En raison du typhon de la veille, ils n’avaient pas pu sortir et Naoko était bien contente de profiter du parc de Toyama et de ce banc. Elle essayait de faire manger Rio qui ne voulait pas vraiment et qui fut perturbé par ma présence. Au début, il avait un peu peur puis a fini par se détendre et me sourire. Naoko a même tenu à le sortir de sa poussette pour la photo. Naoko a un parcours fascinant. Elle est née à Singapour où elle a grandi jusqu’à trois ans. Elle a fait un passage à Tokyo jusqu’à huit ans puis elle est partie à Bangkok jusqu’à ses treize ans. Elle est revenue à Tokyo jusqu’à ses études supérieures qu’elle a faites à Singapour ! Génial ! Elle travaille dans l’informatique mais continue son congé maternité jusqu’en avril 2013.

Kuniko, 47 ans, bento
Que du bonheur avec madame sourire. Kuniko est un rayon de soleil dans cette cuisine sombre et sale. D’ailleurs, le patron, juste derrière, ne voulait pas que je prenne l’intérieur et je comprenais bien pourquoi. Ils étaient en train de préparer les bento et s’apprêtaient à les vendre. Kuniko est originaire du quartier de Sumida, juste à côté de Sky tree. Elle ne travaille qu’à mi-temps pour avoir un petit salaire supplémentaire.

Megasawa san, 63 ans, tatami
J’ai été accueilli par les deux employés et le patron de cet atelier de tatami comme un roi. Je me suis arrêté devant l’entrée qui était grande ouverte et le propriétaire m’a invité à entrer, à regarder, à faire des photos, à discuter avec tout le monde. Trop fort. J’ai passé quasiment une heure pour observer les différentes étapes du processus de fabrication. Megasawa san est un des employés. Il est originaire de Tohoku mais sa ville natale n’a pas été touché par le tsunami ou les radiations. Il fabrique des tatami depuis des années et des années.

Atsushi, 53 ans, graphiste
Le bonhomme ultra sympa n’avait pas beaucoup de temps. Même pas de temps du tout. Il a accepté de s’arrêter deux secondes pour la prise de vue et nous sommes aussitôt repartis au pas de course. J’essayais de ranger mon appareil photo tout en sortant mon iPhone de ma poche pour prendre en notes ses réponses. Pas évident. Il avait un rendez-vous avec un client et n’avait pas de temps à perdre. Il sortait de son bureau et se rendait à Iidabashi. Atsushi travaille principalement dans la mise en page et tout ce qui concerne la publication. Il est originaire de Shizuoka mais habite à Tokyo depuis bien longtemps. Je me suis excusé de l’avoir dérangé et je l’ai laissé partir. Il m’a fait un grand signe de la main en partant, amusé par la situation et la rencontre.

Yaeko, 76 ans, comptable
Yaeko fumait, assise dans ce coin fumeur, à l’entrée du temple Gokokuji. Elle venait d’acheter deux bento pour elle et son mari et faisait cette pause cigarette juste avant de rentrer. Nous étions entre son domicile et son lieu de travail. Car Yaeko travaille encore tous les jours de 9h30 à 16h comme comptable dans une entreprise. Elle vient d’Hokkaido qu’elle a quitté au lycée. Elle n’y est jamais retournée depuis et en a peu de souvenirs. Nous avons évoqué sa région natale où je ne suis jamais allé à propos des cerisiers, de la neige et de sa ville : Hakodate. Je crois qu’elle était contente de cette rencontre.

Seiko, Hideaki et Shohei, 32, 36 et 5 ans, ex championne du monde de lutte et joueur de l’équipe nationale de handball
Il y a des rencontres comme ça qui vous scotchent ! Dans le même couple, deux très grands sportifs nationaux a de quoi vous rendre tout petit rikiki modeste. Ils sont très sympas et modestes. Hideaki a travaillé avec un entraîneur français et m’a raconté plein d’anecdotes. Seiko va partir à Toronto avec Shohei pour six mois pour étudier l’anglais et pour son entraînement. Hideaki va rester seul car il a des matchs jusqu’en mars 2013. Seiko vient de Kanagawa et Hideaki d’Osaka. Le petit Shohei ne voulait pas poser pour la photo et s’est transformé en véritable asticot dans les bras de sa mère.

Sayaka et Rinka, 35 et 9 ans, coiffeuse
Elles sortaient du mariage qui se déroulait derrière elles. Vers 16h30, la cérémonie était terminée et les invités saluaient les mariées avant de rentrer chez eux. J’ai aperçu ces deux femmes charmantes et j’ai croisé très fort les doigts pour qu’elles acceptent. Ensemble, sur la photo, elles ressortent très bien et la mère et la fille forment un couple parfait. Sayaka avec son kimono d’automne et Rinka avec sa robe achetée spécialement pour l’occasion en jeune fille d’honneur. Apparemment, Rinka s’était vraiment bien amusée à ce mariage. Elles viennent de Nerima où elles habitent et où Sayaka travaille. Le père/mari était déjà parti et elles allaient le retrouver sans très bien savoir où il était.