22 septembre

Rumiko, 27 ans, mode
Rumiko venait de monter sur son vélo, à l’entrée de cette rue piétonne de Jiyugaoka. Elle commença à rouler et je l’appelai d’un geste de la main aussitôt ce qui fit qu’elle s’arrêta légèrement derrière moi, le temps de freiner, emportée dans son élan. Je bafouillais des excuses pour cette interpellation si soudaine et risquée. Mais Rumiko est une jeune femme tellement cool que cela ne lui posa pas de problème. Elle rentrait chez elle en cette fin d’après-midi. Elle habite à Jiyugaoka depuis 5 ans et elle vient de Kyoto. Elle a l’air de bien s’amuser à Tokyo mais elle m’a avoué avec une mine complice et charmante qu’elle était vraiment très attachée à sa ville natale. Nous étions bien d’accord pour parler de la chaleur naturelle des gens de la région du Kansai et Rumiko en était un parfait exemple.

Cedric Riveau

21 septembre

Rimi et Hirotaka, 20 et 21 ans, étudiants
Ils ne sont pas dans la même université mais ils sont ensemble. Ils sortaient tranquillement de chez Hirotaka pour aller déjeuner. Ils n’avaient pas encore décidé où ils allaient mais se dirigeaient vers l’avenue de Waseda et choisiraient en fonction de l’inspiration du moment. Hirotaka est originaire de Kumamoto et habite à Tokyo depuis qu’il est entré à la fac, il y a trois ans. Il vit seul, ce qui est bien pratique pour amener Rimi chez lui. Rimi elle vient de chiba et habite chez ses parents. Ils étaient très contents que je leur demande leur portraits.

Cedric Riveau

20 septembre

Chikara, 59 ans, bar
J’ai beau prendre des gens en photo tous les jours, je peux être encore (bien) surpris de l’âge que certains m’annoncent. Quand Chikara m’a dit qu’il allait bientôt avoir 60 ans, j’ai pas pu m’empêcher d’ouvrir de grands yeux. wow! Très sympa et très tranquille, il venait de chez lui et se rendait au cinéma. Il allait à la séance de 11h et marchait d’un pas léger. Il habitait à Shinjuku et allait au cinéma à Shinjuku. Il travaillait aussi à Shinjuku. Chikara est propriétaire d’un bar de 3 chome qui est plutôt ouvert le soir… Il est originaire de Kagoshima dont nous avons un peu parlé. Il croyait que mon prénom était d’origine étasunienne… j’ai donc rectifié la chose pour ramener les choses en Europe.

Cedric Riveau

19 septembre

Toshi, 36 ans, employé
Toshi prenait son petit déjeuner en marchant. Une viennoiserie de mauvaise qualité et un café à la paille achetés dans une supérette pas loin. Il allait au travail même s’il était déjà presque 11h. Je me suis moqué gentiment de lui avec sa façon de manger. Comme il travaille en horaires flexibles, ce jour, il commençait un peu plus tard. Il venait de se réveiller. J’ai eu beau le cuisiner, il n’a pas voulu me dire pour quel type d’entreprise il travaillait. Rien à faire. Gêne ? Toujours est-il qu’il était pressé mais a bien voulu s’arrêter quelques minutes pour la photo.

Cedric Riveau

18 septembre

Toshiko, 70 ans, femme au foyer
Toshiko chantait dans sa tête. Elle répétait la chanson de son groupe de chant. Elle en sortait et rentrait chez elle. Toshiko répétait son air en marchant et cela se voyait. Il y avait une atmosphère qui l’entourait, quelque chose de bucolique renforcé par ses vêtements encore très estivaux pour une arrière saison assez longue. Un air de comédie musicale. Elle avait eu 70 ans peu de temps auparavant et je me permis de la féliciter. Somme toute, elle était ravie que le la prenne en photo et son grand sourire charmant est sorti naturellement une fois ma demande faite, une fois mon appareil prêt à prendre la photo.

Cedric Riveau

17 septembre

Konomi et Hiroyuki, 4 et 33 ans, salarié
Ils allaient faire des courses à la pharmacie du quartier et Konomi sortit la carte de fidélité du magasin de sa poche pour me la montrer. Elle était ravie d’y aller parce qu’il y avait plein de trucs à regarder et c’était chouette. Elle venait de monter la pente, poussée par son père via le manche attaché à l’arrière du vélo. Konomi avait l’air très heureuse de se promener avec son papa. Hiroyuki est né à Chiba et elle à Tokyo. Quand ils sont partis, Konomi s’est retournée, a levé sa main gauche et m’a salué d’un « See you » adorable.

Cedric Riveau

16 septembre

Ayaka et Akio, 26 et 32 ans, coiffure et salarié
Ils étaient à Tokyo pour le week-end et en ce dimanche à Daikanyama. Ils se promenaient tranquillement. J’ai remarqué Akio avec son style pas possible, ses colliers de Che Guevara, son crucifix et un Christ crucifié en image sous un bloc de Plexiglas épais. Juste pour le design et certainement pas pour des croyances. Ou si peu. Il faisait encore chaud et très humide mais il avait des bottes, là aussi pour le style. Trop fort. Ayaka très raide ne savait comment se mettre devant l’objectif. Ils viennent de Shiga, du côté du mont Fuji et repartait le jour suivant, après un long week-end de trois jours.

Cedric Riveau

15 septembre

Yoshimichi et Mika, 34 et 39, graphiste et salariée
On se rencontre via des sites de rencontres. On se rencontre via Facebook. On se rencontre aussi via Flickr. La preuve ! Mika m’a annoncé cela directement et j’étais sur le cul ! Mais après tout, pourquoi pas ? Connaître une personne via ses clichés me parait être un excellent moyen de s’y intéresser, de la rencontrer et de l’épouser ! Comme d’habitude dans les mariages, le photographe officiel n’était pas loin et prenait des photos de notre discussion mais surtout la garde-chiourme de la cérémonie bidouillait la robe à longueur de temps. Elle m’a même ordonné de les prendre à nouveau en photo parce qu’elle avait réussi à arranger la robe prise dans les plantes auparavant alors que cela ne se voyait pas. Je m’en foutais complètement. Ils font donc de la photo passionnément et c’est bien pour cela que Yoshimichi avait ce super boîtier avec lui, plus pour montrer comment ils s’étaient rencontrés que pour prendre des photos.

Cedric Riveau

14 septembre

Chikae, 34 ans, hôpital
Chikae était tiraillée. Une véritable ambivalence s’était installée en elle au moment où je lui demandai son portrait. Accepter ou refuser ? Les critères pour accepter était son intérêt pour le projet, la qualité des photos et des personnes choisies, son plaisir d’être sélectionnée pour en faire partie. Pour refuser, c’était le maquillage. Elle sortait de la piscine et rentrait chez elle, sans maquillage. « Je peux garder mes lunettes ? » Si je voulais avoir son portrait, je devais faire ce compromis. Elle avait pourtant un très beau regard. Chikae travaille a mi-temps dans un hôpital mais elle ne m’a pas précisé ce qu’elle faisait exactement. La piscine la détendait et lui permettait de faire du sport. Elle passait systématiquement par ce parc de Toyama pour rentrer chez elle.

Cedric Riveau

13 septembre

Kazuhiko, 35 ans, technicien
En plein travail, bardé de tout son équipement, des plots dans la main gauche, un câble enroulé dans la main droite, Kazuhiko a accepté sans problème la photo. Nous l’avons faite au pied d’un pylône où venait de se percher un de ses collègues. Un troisième était au pylône suivant pour réceptionner le câble de fibre optique qu’ils installaient. Tout en travaillant, Kazuhiko discutait avec moi, s’interrompant pour donner des instructions à ses collègues perchés entre ciel et terre. Il travaille pour une société prestataire d’un gros fournisseur d’accès et de communication du Japon. Il est originaire de Tokyo.

Cedric Riveau

12 septembre

Watanabe san, 90 ans, retraitée-rentière
Durant toute notre rencontre, elle a dû prononcer une vingtaine de mots maximum. Le reste était des gestes et des regards qui servaient de réponses à mes questions. Dans une petite rue, j’ai aperçu Watanabe san qui poussait son petit chariot. J’ai attendu qu’elle tourne dans une rue ombragée pour lui demander son portrait. « On fait la photo où ? » m’a-t-elle répondu en guise d’acquiescement. Quand je lui ai proposé à l’ombre dans cette minuscule rue, elle m’a dit « Devant chez moi ? » Elle me guidait. Watanabe san sortait de chez le médecin et avait subi trois piqûres dans le ventre puis avait fait quelques courses. A l’entrée de son immeuble de 6 étages – wow ! -, elle m’a désigné la plaque pour me donner son nom. Une fois les clichés pris, je suis revenu vers elle pour la remercier. Elle s’est plié en deux, d’un coup d’index, elle a percé son sac en plastique noué et en a sorti une pêche qu’elle m’a tendue. Comme ça. Pour le geste. Pour la gentillesse. J’étais vraiment très touché que ce petit bout de femme me fasse ce cadeau. Vraiment touché.

Cedric Riveau

11 septembre

Kana et Erika, 25 ans, freeter et danseuse
Kana et Erika se promenaient à Kagurazaka. Pour Kana, c’était la première fois, pour Erika la deuxième. Ces deux amies se sont rencontrées à l’académie de danse. La première habite à Yokohama et la deuxième à Chiba. Le plus pratique est donc le centre de Tokyo où elles se retrouvent deux fois par mois environs. J’ai tout de suite remarqué le lien qui les unissait. Déjà de dos, j’avais perçu quelque chose et je n’ai pas hésité longtemps pour leur demander leur portraits. Elles étaient ravies et moi aussi. Elles ont l’air de vraiment bien s’entendre et cela se voit. Elle s’étaient retrouvées à 12h, avaient déjeuné puis s’étaient baladées ensuite. Je les ai croisées vers 16h. Avec un petit guide, elles exploraient toutes les rues, tous les magasins. Vraiment sympas.

Cedric Riveau

10 septembre

Atsuko, 28 ans, femme au foyer
Très joyeuse Atsuko. Très souriante Atsuko. Nous avons passé un moment délicieux. C’est bien simple, Atsuko est tellement bien dans sa peau qu’elle sourit tout le temps, communique facilement, n’est pas stressé ou maladivement timide, elle est très ouverte et cela faisait plaisir à voir. Elle sortait de chez elle – à Yoyogi Hachiman – et allait faire quelques courses. Atsuko vit avec son petit ami mais n’est pas encore mariée. Elle vient d’Ibaraki où elle retourne souvent pour se ressourcer : air, nature, mer… Tokyo est bien pratique mais bien plus fatigant que sa campagne. Elle passe ses journées à ne pas faire grand chose et elle adore ça. Son petit ami lui est concessionnaire.

Cedric Riveau

9 septembre

Ayaka, Seiji, Toko et Moegi, 45, 47, 10 et 8 ans, publicité
Ayaka et Seiji travaille dans la publicité. Ils travaillent en indépendant chez eux. Les temps sont durs mais en ce dimanche festif à Togoshi Ginza, il s’agissait de se promener, de voir la fête, les temples portatifs, grignoter des trucs un peu partout et de se détendre en famille. Ils habitent dans le quartier et viennent chaque année. Ayaka est originaire d’Akita et Seiji de Hyogo. Ils se sont rencontrés à Tokyo.

Cedric Riveau

8 septembre

Taiji, 44 ans, chauffeur et Type H, 32 ans
Evidemment, un type H en plein Tokyo, qui plus est vert… je ne pouvais pas l’éviter ! Y en a-t-il d’autres à Tokyo ? Aucune idée mais un vert pomme comme celui-ci, ça c’est sûr ! Taiji était juste à côté et attendait. Ce grand bonhomme costaud un peu pataud s’apprêtait à conduire l’engin jusqu’à Jyugaoka. Il se vantait d’être sans doute le seul à Tokyo capable de le conduire : moteur diésel, boîte manuelle à trois vitesses, volant à gauche… Il s’agit en fait d’une cantine roulante qui propose des produits bio. D’où la couleur. Le responsable est un jeune, très jeune. Je l’ai aperçu quelques minutes juste avant qu’ils partent. Le fourgon date de 1980 et est très bien entretenu.

Cedric Riveau

7 septembre

Ota san, 72 ans, consultant
Il fait partie de ces nombreux retraités, anciens cadres ou responsables, qui continuent à travailler en exerçant un métier de « spécialiste » de leur domaine. En ce qui concernait Ota san, c’était l’édition et l’impression. Sur ce trottoir de Koishikawa, j’ai aperçu sous l’ombre des arbres cet homme lumineux à la veste vert pâle et son chapeau blond. De loin. Je l’ai attendu pour lui demander. Je l’ai laissé venir à moi pour que nous soyons à l’écart des arbres. Il était très heureux que je l’arrête. Ota san est un homme très positif qui vit en harmonie avec son corps et son esprit. Il m’a tenu un long discours l’intérêt de s’en occuper. Il était aussi représentant touristique de la région de Miyazaki à Kyushu. Il faisait décidément plein de choses et il débordait d’énergie à 72 ans. Cela faisait plaisir à voir.

Cedric Riveau

6 septembre

Kenichi, 89 ans, retraité
Je suis sûr qu’il avait des dizaines d’histoires à raconter. La rencontre lui a plu. Il souriait et m’expliqua un petit peu son histoire. Mais non, il ne voulait pas me donner son nom de famille. C’était la condition. Je ne pouvais donc pas le faire signer les droits à l’image et ne pouvait l’utiliser pour le livre. C’est comme ça. Kenichi rentrait de courses. Sa maison n’était pas loin derrière moi. Il est originaire d’Osaka et vit à Tokyo depuis plus de 50 ans. Pendant tout ce temps, il a travaillé dans un magasin de kimono à Nihonbashi.
Quand je lui ai demandé son âge, il m’a donné son année de naissance : 1923. Pas mal…

Cedric Riveau

5 septembre

Takiko, 83 ans, retraitée
La charmante Takiko se rendait à son cours d’arrangement floral. Dans son sac bleu, son équipement : gants, ciseaux et autres. Elle a commencé par me donner son âge pour être sûr que je veuille la prendre en photo. Comme elle était en train d’accepter, je lui ai dit que c’était précisément ce que je voulais. Avec son ombrelle, elle était charmante. Pendant très longtemps, elle a tenu un restaurant japonais à côté de la gare de Tokyo. Quand son mari est mort il y a 6 ans, ça été le déclencheur pour s’arrêter. Elle a donc fait ça pendant des dizaines d’années. Elle est repartie vers sa destination toute guillerette, contente d’avoir été prise en photo.

Cedric Riveau

4 septembre

Shigeko, 22 ans, commerciale
Sûr de moi. Genre maintenant je peux reconnaître l’âge des Japonais. Je lui dis pif-paf avant de faire la photo :
– Vous êtes étudiante n’est-ce pas ?
– Non, non, je travaille.
Ma mâchoire est tombé sur le bitume.
– Je travaille depuis 4 ans.
Ma mâchoire dévalait la pente de la rue jusqu’à Ichigaya…
– Non mais vous êtes jeune non ? Vous avez quoi… 21 ans.
– Presque. 22 !
Bon, j’étais rassuré, j’avais deviné son âge. Sauf que j’étais persuadé qu’elle était étudiante alors qu’elle n’est jamais allée à l’université. Juste après le lycée, elle a commencé à travailler chez le plus gros imprimeur du pays. Nous étions juste à côté et elle retournait au bureau. En fait, son lycée était déjà spécialisé dans le commerce et avait donc un diplôme de commerce à son niveau.
Elle s’était rendue chez le médecin en raison d’un mal de dos. Son chef lui avait donné son accord pour qu’elle s’absente une bonne demi-heure. Il lui avait fait une piqûre pour calmer la douleur et donné quelques médicaments. Elle pouvait continuer à travailler. Elle me prit aussi en photo et me dit qu’elle était sur Instagram. Du coup, nous nous suivons sur ce réseau.
Adorable.

Cedric Riveau

3 septembre

Una, 32 ans, cuisinier
C’était un restaurant d’anguilles. En japonais, ça se dit « unagi ». Du coup, il donne s’est donné un surnom « Una » et ses collègues l’appellent ainsi, et il passe les morceaux de poissons qu’il fait griller en criant que ce sont des « spéciales Una »… Una unagi… c’est drôle. Entre deux nuages de fumée qui s’échappaient des poissons posés entre deux grilles et cuit au-dessus de braises, j’ai réussi à faire cette photo compte-tenu du contraste de la lumière extérieur et intérieur où se trouvait Una. Pas évident du tout… Il travaille dans ce restaurant connu de Shinbashi depuis 7 ans déjà. Il me disait que le midi, surtout en été – saison de l’anguille -, il y avait la queue dans la rue pour venir déjeuner ici. Ils en font toute l’année, même en hiver et c’est vrai qu’il y a moins de monde à ce moment-là. Una était très sympa. Ses collègues se sont moqués de lui lorsqu’il posait.

Cedric Riveau