1 février

Keiichiro, 24 ans, maintenance et construction
Il était devant la grille de ce système automatique de parking. Il semblait ne rien faire, il semblait attendre et être seul. Je l’ai observé deux minutes avant d’aller lui présenter ma demande. Il ne bougeait pas, la tête vers les plaques mouvantes qui portent les voitures.
Ma demande formulée, il a regardé vers le ciel et j’ai entendu un « Bonjour ! » sonore d’un collègue situé au deuxième niveau de ce parking en plein air et qui se demandait ce qui se passait. Il commençait à m’expliquer que ça ne prendrait pas longtemps, que si je voulais récupérer ma voiture, cela ne posait pas de problème. Il a changé d’air en entendant ma requête par Keiichiro. Il m’a regardé avec un grand sourire, il a regardé son collègue et nous a montré la paume de sa main gauche :
– Attendez un peu s’il vous plaît. Je me renseigne.
Coup de téléphone à sa hiérarchie.
– Apparemment, c’est bon. Mais il faut faire en sorte qu’on ne voit pas le nom de l’entreprise me dit-il en désignant les caractères blancs cousus sur le blouson de travail.
Pendant son appel, j’ai discuté avec Keiichiro qui m’expliquait qu’il venait d’Ome, dans la très lointaine banlieue ouest de Tokyo, à 50 kilomètres de Shinjuku. Selon l’endroit où il se rend, il prend sa voiture ou le train. Le jeune est en intérim et il est bringuebalé d’un endroit à un autre dans un rayon assez important autour de Tokyo : Yokohama, Chiba, Tokyo, Saitama… Souvent, d’un jour sur l’autre, il est dans un endroit différent. Et ce n’est que dans l’après-midi qu’il sait où on va l’envoyer. Au moment de la discussion, il était 11h15 et il ne savait pas où il devait aller le lendemain. J’ai bien essayé à savoir ce qu’il en pensait mais il n’a pas réagi plus que cela. J’étais plus choqué que lui par une situation aussi précaire. Keiichiro avait pris l’habitude et suivait les ordres en bon soldat et avait appris à vivre avec. Lorsqu’il m’a dit qu’il pouvait être envoyé à Chiba, que je lui ai dit que ça pouvait faire 100 kilomètres rien que pour y aller. Il a haussé les épaules, un geste qui voulait dire : « C’est comme ça… »
Au moment où il remplissait ses informations sur le formulaire, nous avons entendu une voix qui venait du centre de la terre :
– Hey Keiichiro, le numéro 7 s’il te plaît.
Je le regardais complètement surpris. Alors qu’il se dirigeait vers un panneau de contrôle, il m’expliqua :
– J’ai un collègue en sous-sol qui vérifie les systèmes.
Je n’avais pas vu que les parking avait aussi un sous-sol et j’ai commencé à regardé comme un petit garçon fasciné par un train qui passe les plaques de parking se mettre à danser. Voilà ce qu’il faisait lorsque je le regardais de loin, surveiller son collègue…
Keiichiro a fini de signer le formulaire et je l’ai laissé à son travail.

Cedric Riveau

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